TÉRIADE

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TÉRIADE (1897-1983)

Efstratios Eleftheriades — Tériade — occupe une place de premier plan parmi les grands éditeurs d’art du XXe siècle. Né à Mytilène (l’ancienne Lesbos), où il revient régulièrement, il en conserve, sa vie durant, une orientation résolument méditerranéenne; il se forme à partir de 1915 au contact de la bohème parisienne puis, plus spécifiquement, à l’école des Cahiers d’art de Christian Zervos, fondés en 1926. À partir de là, sa carrière comprend cinq moments bien distincts. Il débute comme chroniqueur d’art à L’Intransigeant , de 1928 à 1932, où il signe avec Maurice Raynal sous le nom des «deux aveugles» des reportages et des comptes rendus souvent incisifs. Cette activité critique se poursuit d’avril 1935 à février 1936 dans les huit livraisons de La Bête noire , revue frondeuse et sans concession fondée pour «mettre à leur place ceux qui sont en place» et où Leiris, Queneau, Daumal, Artaud entre autres publieront des articles virulents «contre les lâcheurs de l’esprit moderne». Mais c’est auprès d’Albert Skira qu’il apprend son métier d’éditeur à partir de 1932: il est associé à la création de Minotaure dont il sera directeur artistique pour les neuf premières livraisons (de février 1933 à octobre 1936). Il essaiera d’y faire coexister, non sans difficultés, les surréalistes orthodoxes (Breton au premier chef) avec les «dissidents» (Bataille, Leiris), et les artistes déjà classiques (Matisse, Braque, Picasso) avec les plus jeunes, surréalistes ou non (Miró, Dalí, Beaudin, Bores). Ce compromis difficile et artificiel ne réussit qu’un temps grâce au support même de la revue: qualité de la présentation, recherches modernistes de mise en page et d’illustration, avec d’importants dossiers photographiques et des effets de montage. Tériade aura les coudées plus franches et la liberté de ses goûts à partir de décembre 1937 avec Verve , «la plus belle revue du monde», et son plus grand titre de gloire: trente-huit numéros (dont onze doubles) jusqu’en 1960, fabriqués avec l’aide d’Angèle Lamotte puis de Marguerite Lang, et où s’épanouissent dans le texte et l’illustration les grands noms du moment: Gide, Claudel, Valéry, mais bientôt aussi Sartre, Camus, Michaux, Bataille, Leiris... Les artistes restant jusque dans l’après-guerre des valeurs consacrées: Matisse, Braque, Bonnard, Rouault, Maillol, Chagall, Picasso. La collaboration de l’imprimeur Draeger et du lithographe Mourlot contribue à faire de chaque numéro un objet d’art — et en particulier à redonner une place de premier plan à la lithographie artistique. De 1943 à 1971, enfin, Tériade est le maître d’œuvre de vingt-six livres illustrés qui marquent presque tous une date importante de la bibliophilie contemporaine, — ou de l’art tout court, avec le Jazz de Matisse par exemple (1947), le plus important de ses quatre ouvrages, qui constitue pour le peintre une étape capitale de la mise au point des papiers découpés. Beaudin, Bonnard, Chagall (cinq titres), Giacometti, Gris, Gromaire, Laurens (trois titres), Le Corbusier, Miró (deux titres), Picasso, Rouault, Villon trouvent ainsi l’occasion de créer des «livres de peintres» où l’artiste est parfois même l’auteur du texte, voire son calligraphe.

À partir de 1937 Tériade écrit beaucoup moins, mais les éléments de son esthétique n’en sont pas moins perceptibles. L’Intransigeant , La Bête noire visaient à libérer les peintres de «l’état silencieux du cubisme»; Minotaure devait être une «réaction contre l’aspect puriste» de ce mouvement. Après la guerre Tériade se détache résolument des avant-gardes: il est l’homme de la peinture vivante, sensuelle, méditerranéenne, opposé aux écoles, à la théorie, au scientisme. Tout est pour lui dans l’élaboration artisanale et artistique des apparences, belles, luxueuses... Les limites de cette position sont évidentes, mais la qualité de la plupart des résultats est incontestable: elle apparaissait clairement lors de l’hommage rendu, à Paris, à l’éditeur dans les galeries du Grand Palais au cours de l’été 1973.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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